Peut-on prêter des salariés ?

Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif

Une entreprise peut mettre à la disposition d’une autre entreprise l’un de ses salariés sous réserve que l’opération soit effectuée dans un but non lucratif.
L’article L 8241-1 du Code du travail interdit en effet le prêt de main-d’oeuvre à but lucratif, sauf lorsqu’il est réalisé par une entreprise de travail temporaire (intérim), de portage salarial ou par une entreprise de travail à temps partagé.

Les opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif sont, quant à elles, autorisées. La loi du 28 juillet 2011, dite « loi Cherpion », a ainsi précisé qu’une opération
de prêt de main-d’œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition. Le prêt de main-d’œuvre à but non
lucratif conclu entre entreprises nécessite en premier lieu l’accord du salarié concerné. Celui-ci doit signer un avenant à son contrat de travail précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.
En tout état de cause, un salarié ne peut pas être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition.

L’entreprise prêteuse et l’entreprise d’accueil doivent organiser la mise à disposition du salarié en signant une convention de mise à disposition qui en définit la durée et qui mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse. Bien que la loi ne fixe aucune durée maximale, la mise à disposition d’un salarié doit nécessairement rester
temporaire.
Pendant la période de prêt de main-d’œuvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu. Le salarié mis à disposition fait donc toujours partie du personnel de l’entreprise prêteuse, qui continue, quant à elle, de le rémunérer.

Le salarié conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse. Il doit par ailleurs avoir accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l’entreprise utilisatrice.
A l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.

Cette pratique, qui ne nécessite pas le recours à une entreprise tierce spécialisée telle qu’une entreprise de travail temporaire, est donc licite à condition d’être effectuée sans but lucratif.
L’entreprise prêteuse veillera donc à ne facturer à l’entreprise utilisatrice que les salaires versés au salarié durant sa mise à disposition ainsi que les charges salariales
afférentes et, le cas échéant, les frais professionnels remboursés au salarié, à l’exclusion de tous autres frais.

Attention en effet à ne pas commettre un délit de marchandage. Ce délit pénal est défini par l’article L 8231-1 du Code du travail comme étant une opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre ayant pour effet de causer un préjudice au salarié ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail.
Le marchandage et le prêt de main-d’œuvre illicite sont punis d’une amende de 30 000 € et de deux ans d’emprisonnement.

Le recours au prêt de main-d’œuvre peut permettre à de petites entreprises de faire face à un manque de personnel dans le cadre de tâches spécifiques ou ponctuelles. Les articles L 8241-1 et suivants du Code du travail fixent les obligations de chacune des entreprises (information-consultation préalable des représentants du personnel, notamment) et précisent le statut du salarié mis à disposition.

Dans le cadre du prêt de main-d’œuvre, aucun contrat commercial ne lie les deux entreprises, à la différence de la sous-traitance (voir encadré) et du recours aux entreprises réglementées (entreprises de travail temporaire, de travail à temps partagé et de portage salarial). Ce dispositif est donc très souple.

En dehors de la mise à disposition de personnel, il est également possible pour des entreprises entrant dans le champ d’application d’une même convention collective de se regrouper au sein d’un groupement d’employeurs dont le but est de mettre à la disposition de ses membres des salariés liés au groupement par un contrat de travail. Le groupement d’employeurs nécessite la création d’une structure juridique à but non lucratif (association régie par la loi 1901 ou société coopérative).

Mise à disposition à but lucratif de salariés

La mise à disposition de salariés dans un but lucratif ne peut être réalisée que par des entreprises réglementées dont l’activité est très encadrée. Citons, entre
autres, brièvement :

Les entreprises de travail temporaire
Les entreprises de travail temporaire ont pour activité exclusive de mettre à la disposition provisoire d’entreprises utilisatrices des salariés qu’elles recrutent et rémunèrent à cet effet en fonction d’une qualification convenue (art. L 1251-2 du Code du travail).
Depuis le 6 mars 2014 (accord du 10 juillet 2013 étendu par arrêté du 22 février 2014), elles peuvent également recruter des salariés sous CDI.
Les entreprises de portage salarial
Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes, comportant
pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage (art. L 1251-64 du Code du travail).
Il s’agit d’une relation triangulaire entre une société de portage, un salarié (le porté) et une entreprise cliente. Elle se démarque de l’intérim dans la mesure où la démarche commerciale (prospection des clients, négociation de la prestation et de son prix) est faite par le salarié lui-même et non par la société de portage.
Le porté est salarié de la société de portage, laquelle le rémunère après prélèvement des cotisations sociales et de frais de gestion (calculés sur un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par le porté, entre 8 et 15 % en général).
Ce dispositif n’est toutefois pas encore bien sécurisé. Bien que la loi du 25 juin 2008 ait défini le portage salarial, elle a néanmoins laissé aux partenaires sociaux le soin de l’organiser. Les conditions de sa mise en œuvre ont ainsi été fixées par l’accord national professionnel du 24 juin 2010, étendu par arrêté du 24 mai 2013. Or, récemment, le Conseil constitutionnel, saisi par voie de question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré contraire à la Constitution la disposition légale ayant confié l’organisation du portage salarial aux partenaires sociaux considérant que cette mission appartient au législateur (Cons. const. 11 avril 2014 n° 2014-388 QPC). L’abrogation de cette disposition ne prendra toutefois effet qu’au 1er janvier 2015, laissant ainsi quelques mois au législateur pour revoir sa copie. De nouvelles dispositions légales devraient donc
intervenir d’ici à la fin de l’année.
Les entreprises de travail à temps partagé
Afin de permettre la mise à disposition de personnel qualifié auprès d’entreprises qui ne peuvent le recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens, la loi du 2 août 2005 a institué une nouvelle forme de mise à disposition de personnel, le travail à temps partagé, qui a pour objet la mise à disposition d’un salarié par une entreprise
de travail à temps partagé au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission (art. L 1252-1 et suivants du Code du travail). Les entreprises de travail à temps partagé ont un fonctionnement très proche de celui des entreprises de travail temporaire, ces dernières peuvent d’ailleurs exercer cette activité.

Notons qu'il existe d’autres mises à disposition réglementées de salariés dans certains secteurs spécifiques (services à la personne, agences de mannequins, sport, pôles de compétitivité, insertion professionnelle…).

Pour aller plus loin

- Le salarié à employeurs multiples

Un salarié peut exercer plusieurs activités professionnelles au service d’employeurs différents. Il n’y a pas, dans ce cas, de prêt de main-d’oeuvre puisqu’il n’y a aucun lien entre les différentes entreprises. Le cumul d’emplois est autorisé à condition de ne pas dépasser la durée maximale légale du travail. Chaque employeur peut proratiser la part des cotisations plafonnées qui lui incombe.

- L’accord du 24/06/2010 sur le portage salarial impose entre autres que le porté ait la qualité de cadre et qu’il perçoive un salaire minimal.

- Différence entre sous-traitance et prêt de main-d’œuvre

La sous-traitance a pour objet de confier la réalisation de travaux ou prestations à une entreprise qui l’exécute sous sa propre responsabilité et avec le concours de son
propre personnel, soit dans ses propres locaux, soit dans ceux de l’entreprise donneuse d’ordre. L’opération est à but lucratif. Le personnel du sous-traitant mis à disposition n’est pas l’objet du contrat, mais un des moyens mis en œuvre pour accomplir la prestation ou les  travaux. Attention aux dérapages ! La frontière entre le contrat de sous-traitance licite et le prêt de main-d’œuvre illicite est en effet ténue !

© Copyright Editions Francis Lefebvre

 

 

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