Responsabilité fiscale des dirigeants de société

Lorsqu’une société connaît des difficultés financières qui aboutissent à un défaut de paiement des impôts, le ou les dirigeants peuvent être recherchés en paiement de ces impôts s’ils ont, par leurs agissements, rendu impossible leur recouvrement.

En dehors des dispositions de droit commun et de celles prévues en matière de procédure collective (action en responsabilité pour insuffisance d’actif) qui permettent de poursuivre le dirigeant d’une société ayant commis des fautes dans l’exercice de ses fonctions, la loi permet à l’administration des impôts de rechercher la responsabilité fiscale du dirigeant lorsqu’il a rendu impossible le recouvrement des impositions et pénalités dues par la société par des manœuvres frauduleuses ou des inobservations graves et répétées des obligations fiscales.

Ce dispositif spécifique est prévu par l’article L 267 du Livre des procédures fiscales (LPF) que nous développons ci- après.

Qui est concerné par l’action en responsabilité ?

La responsabilité fiscale prévue par l’article L 267 du LPF est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société. La responsabilité du dirigeant peut être recherchée, qu’il soit une personne physique ou une personne morale.

Il importe peu, par ailleurs, que le dirigeant visé ait cessé d’exercer ses fonctions avant l’engagement de l’action en responsabilité, dès lors qu’il les exerçait au moment des faits qui lui sont reprochés. 

L’action en responsabilité est introduite par l’administration fiscale devant le pré- sident du tribunal de grande instance. Elle a pour finalité de faire désigner une personne physique (ou morale) qui supportera le paiement de l’impôt et des pénalités à la place de la société et pour son montant intégral.

 L’article L 267 du LPF ne prévoit pas que la condamnation puisse être modulée par le juge.

Lorsque le juge retient la responsabilité d’une personne en sa qualité de dirigeant ou, le cas échéant, ès qualités de représentant d’une société désignée statutairement comme dirigeante, il la déclare solidairement tenue au paiement des dettes fiscales de la société. La ou les personnes visées deviennent débitrices des impôts, taxes et des pénalités au même titre que la société elle-même. S’il y a plusieurs dirigeants concernés pour la même période, le juge doit condamner chacun d’eux pour le tout : il n’a pas à établir de partage entre eux.

La solidarité joue donc entre la société et ses dirigeants et entre les dirigeants eux- mêmes, de sorte que l’un des codébiteurs actionnés peut se retourner contre tous les autres.

Quelles sont les impôts et taxes concernés ?

L’article L 267 du LPF vise le recouvre- ment des impositions de toute nature et les pénalités fiscales y afférentes, perçues par les agents de la DGFIP. Cela recouvre non seulement l’impôt sur les sociétés et la TVA mais aussi, par exemple, les droits de mutation à titre onéreux, les prélèvements divers assis sur les salaires, les taxes sur les véhicules de sociétés ou les taxes d’urbanisme.

L’ouverture d’une procédure collective entraîne l’arrêt des poursuites individuelles à l’encontre du dirigeant.

Sa mise en cause pourra cependant être demandée pour :

–  les créances exigibles avant l’ouverture de la procédure collective et régulière- ment déclarées au passif de la procédure. A noter toutefois qu’un dirigeant ne peut pas être rendu responsable du défaut de paiement d’impositions qui, bien que se rapportant à la période antérieure au jugement ouvrant une procédure collective, ne sont cependant pas exigibles à la date de ce jugement, lequel interdit précisément au débiteur de régler les créances nées antérieurement à son prononcé (art. L 622-7 du Code de commerce) ;

– les rappels et les taxations d’office non encore authentifiés à la date du juge- ment mais qui font l’objet d’une déclaration à la procédure ;

– les dettes nées pendant la période d’observation si le dirigeant n’a pas été dépossédé de ses pouvoirs d’administration.

 Conditions à remplir pour être déclaré responsable

Aux termes de l’article L 267 du LPF, pour être déclaré solidairement responsable du paiement des impositions et des pénalités :

– le dirigeant doit être responsable de manœuvres frauduleuses ou de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la personne redevable,

– qui ont rendu impossible le recouvrement de ces impositions et pénalités.

Ces deux conditions sont cumulatives. La responsabilité personnelle du dirigeant  dans  l’inobservation  doit  être caractérisée. Le dirigeant poursuivi est reconnu responsable s’il est l’auteur des manquements  ou   des  manœuvres constatés. Dès lors, la mise en œuvre de l’action se fait au titre des inobservations survenues après sa prise de fonction et avant sa démission, sauf s’il est prouvé qu’en dehors de cette période, il a participé  aux fonctions  de  direction  et concouru aux manquements.

Enfin, il faut établir un lien de causalité entre les agissements personnels du dirigeant et l’impossibilité de recouvrer les impôts. Autrement dit, l’échec des tentatives de recouvrement qui concrétise cette impossibilité de recouvrer les impôts doit être la conséquence des manœuvres ou manquements reprochés au dirigeant concerné.

L’inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la société est plus facile à démontrer. Elle est fréquemment retenue dans les situations suivantes :

– défaut de déclaration d’existence, de début d’activité, de modification des conditions d’exploitation et de localisation de la société;

–  comptabilité irrégulière ou non sincère ;

–  impositions autoliquidées : minoration des bases imposables, déclarations non déposées, déductions abusives;

–  mention abusive de la TVA sur les factures ;

–   au stade du recouvrement, déclarations effectuées dans les délais mais dépourvues du paiement à l’échéance.

La responsabilité fiscale a été notamment retenue par la jurisprudence à propos des agissements suivants :

–  s’abstenir de déposer plusieurs déclarations fiscales (Cass. com. 9 février 1981  n°  79-11.293);

–  déposer de nombreuses déclarations avec des retards importants (Cass. com. 13 mars 1978 n° 77-12.701) ;

–  s’abstenir de payer l’impôt lorsque les déclarations sont régulièrement déposées (Cass. com. 22 septembre 1983 n° 82-15.079 ; Cass. com. 7 juin

1988 n° 86-19.253) ;

–  ne pas mentionner sur des déclarations le montant de la taxe réellement exigible en minorant volontairement les bases d’imposition (Cass. com. 24 mai 1971    n°  69-11.867 ; Cass. com. 10 mars 1975 n° 74-10.963) ;

–  obliger l’administration à régulariser la situation fiscale de la société redevable par voie de rappels d’impôts opérés par taxation d’office ou selon la procédure de redressement contradictoire (Cass. com. 24  mai 1971 n°  69-11.867 ; Cass. com. 10 mars 1975 n° 74-10.963 ; Cass. com. 9 février 1981 n° 79-11.293).

 En matière de TVA par exemple, la jurisprudence considère que le défaut de paiement à l’échéance est particulièrement grave puisque l’entreprise redevable conserve dans sa trésorerie les sommes collectées au titre de la TVA auprès de ses clients et destinées à être reversées au Trésor (Cass. com. 7 juin 1988  précité  n°  86-19.253 ;  Cass.  com. 26 février 2002 n° 98-21.744  et n° 00-18.502 ; Cass. com. 26 novembre 2003 n° 01-17.162).

Cette pratique fait obstacle à la neutralité de la TVA et au libre jeu de la concurrence entre les entreprises assujetties. Pour cette même raison, la Cour de cassation a approuvé les tribunaux qui retenaient  le  caractère  de  gravité  des inobservations résultant de la minoration du chiffre d’affaires taxable, constatée au cours d’une vérification de comptabilité et obligeant l’administration à procéder à des rappels d’impôt.

Dirigeants visés par la procédure

Il s’agit notamment :

–  du gérant minoritaire ou majoritaire, même non associé, d’une société à responsabilité limitée ;

–  du président-directeur général d’une société anonyme;

–  du directeur général, d’un membre du directoire, voire de l’administrateur, d’une société anonyme;

–  du président ou des membres du conseil d’administration d’une association ;

–  et, d’une façon générale, de toute personne responsable des actes de gestion de la société et de leurs résultats.

Appréciation par les tribunaux

Les tribunaux apprécient souverainement le caractère de gravité des manquements invoqués par l’agent de la DGFiP. Cette notion de gravité s’apprécie généralement au regard de la nature de l’inobservation ou de la fréquence des man- quements aux obligations fiscales. En revanche, elle n’exige pas que soit établie la mauvaise foi du dirigeant.

© Copyright Editions Francis Lefebvre

 

 

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